Avec les productions musicales du Châtelet, il n’y a plus de suspense ; c’est génial, ou c’est génial. Et cette saison 2014-2015 est particulièrement flamboyante. Après le somptueux Américain à Paris qui a enchanté la fin d’année et qui débarque maintenant à Broadway, le Châtelet poursuit sa route sur les traces de Gene Kelly avec Singin’in the rain.
Cette chanson a un vrai pouvoir magique. Je me souviens que je la connaissais bien avant de savoir parler anglais, et sans avoir vu le film : “am siiiiigin the de wayne, just siiiiigin in the wayne”… et ce type au sourire ultra-bright sautillant dans les flaques d’eau. Il suffit de la fredonner pour avoir envie de faire pareil.
Derrière ce moment mythique, il y a le film et son intrigue 100% hollywoodienne. Nous sommes à la fin des années 1920. Don Lockwood et Lina Limont, couple star à l’écran mais pas à la ville (au grand désarroi de la belle blonde) font les grandes heures du cinéma muet. Mais voilà que le parlant les oblige à oublier leur gestuelle appuyée pour un jeu plus nuancé. Il faut faire silence sur le plateau, et parler dans un microphone pas toujours facile à dompter. Le plus gros problème, c’est que la belle Lina a une voix de crécelle. Qu’à cela ne tienne, elle sera doublée par la jeune et très douée Kathy Selden, dont Don est tombé amoureux.
Dans la vraie vie, ce passage du muet au parlant ne s’est pas fait sans cruauté, avec des vedettes en dépression reléguées aux oubliettes (remember the Artist). Mais pas question de déprimer dans une comédie musicale ; Lina est ainsi une affreuse mégère pour laquelle on ne versera pas une larme, et le premier film parlant de Don et Kathy est un succès. Ainsi en ont décidé les studios. Tout est bien qui finit bien.
Du Technicolor au noir et blanc
Cette version made in Chatelet de Singin’in the rain reprend la trame du film et en propose une nouvelle esthétique. Le metteur en scène Robert Carsen a décidé de faire disparaître nos souvenirs en Technicolor au profit de tableaux en noir et blanc avec des touches d’argent, en référence aux années 1920. Les décors sont tout simplement géniaux, ils transforment la scène du Châtelet en une sorte de poupée russe du cinéma. On pénètre avec délice dans les différents espaces de ce monde : les coulisses où se nouent les intrigues, les plateaux de tournage, et enfin la salle de cinéma où nous jouons nous-même le rôle du public. La scène la plus emblématique, cette fameuse danse sous la pluie, apparaît comment une parenthèse hors de l’intrigue, un moment de jubilation gratuite.
Tous les artistes sont magnifiques, avec un énorme coup de coeur pour Emma Kate Nelson qui interprète Lina Limont. On devine derrière la voix nasillarde une maîtrise parfaite du chant, qu’elle dissimule soigneusement pour le rôle (exactement comme Jean Hagen, l’interprète de Lina dans le film). Je suis toujours bluffée devant ces prodiges de la comédie musicale qui savent jouer, chanter, danser (claquettes comprises).
On est happés par la poésie de ce Chantons sous la pluie, d’une légèreté aussi évidente que le pas sautillant de Don Lockwood. J’avais adoré un Américain à Paris, que j’avais trouvé plus mélancolique ; dans cette pièce, on rit énormément. Le message est simple : la vie est belle, et quels que soient les ennuis, il faut en profiter. C’est la morale d’Hollywood et de ses usines à rêves.
Les représentations de ce printemps sont déjà complètes, mais une série de nouvelles dates a été annoncée pour la fin d’année, et vous pouvez en acheter dès maintenant sur le site du Châtelet. Ne tardez-pas, il faut absolument y aller !
+1 sur tout ce que tu dis 😉 J’ai tellement aimé l’interprétation de Lina moi aussi !
Ca doit être absolument génial !
[…] musicale dans la veine de celles que nous propose le théâtre depuis quelques années. Comme pour Singing in the rain ou Kiss me Kate, nous sommes invités dans les coulisses d’une grande production, dans les […]